Bonjour
Xavier,
je dois d'abord te dire que je n'ai jamais aimé les devinettes.
Peut-être parce que je n'y suis pas très doué, d'ailleurs.
Devinettes, charades, mots croisés, ...signes cabalistiques,
ésotérisme, hermétisme... poudre aux yeux!
Ce qui est
clair au premier abord est toujours suffisamment obscur pour peu qu'on
veuille le creuser. Et le sens caché qui se donne d'emblée
comme tel, m'a toujours semblé ne cacher que le locuteur... et
après tout qu'ai-je à faire d'un locuteur qui veut se
cacher. J'en connais suffisamment qui se montrent, et qui m'intéressent
par ce qu'ils disent, pour devoir m'intéresser à un qui
se cache et qui ne cache peut-être que sa vacuité.
Un sophisme
nous convaincrait peut-être que cette vacuité est en soi-même
discours, et que tout discours mérite d'être entendu. Soit.
Mais combien de lecteurs, combien d'esprits par ailleurs éclairés,
pour se laisser happer par ces insondables abîmes, où le
rien ne s'ajoutera jamais que sur du rien. Et comme il est justifié,
d'autant plus justifié, de renvoyer la devinette, l'obscurité
à elle-même. Qu'elle reste obscure, donc, et sans moi.
Pourtant,
je t'ai suivi jusqu'au bout de ton texte.
J'ai essayé
"geste", mais j'ai vu qu'il apparaissait par ailleurs. J'ai
essayé "souffle", "anima", "regard",
"écoute", et bien d'autres encore. Puis j'ai fini par
sourire. Ce piège, dont d'habitude je me défie si bien,
je suis tombé dedans.
Je me suis
laissé avoir, comme on dit. Ce qui pourrait sembler paradoxal,
d'ailleurs, car comment se faire "avoir" par ce qui justement
fait profession de ne pas être. Ou alors à penser que l'on
puisse se faire avoir par une non-substance, qui vous aspirerait, d'autant
mieux qu'elle se creuse de votre propre manque.
Ce mot manquant,
autour duquel ton texte non pas s'articule, mais s'enroule, je sais
bien qu'il n'existe pas. Je le savais avant de te relire plusieurs fois.
Ce mot manquant, qui manque si peu à ton texte, et dans lequel
nous pouvons reconnaître ce qui nous plaît, je ne chercherai
pas, définitivement, par quoi le remplacer.
Non pas cette
fois comme j'ignore délibérément les devinettes,
en laissant à leur locuteur le soin de m'en révéler
la solution, ou de la garder pour eux, mais pour les joyeux courants
d'air que cette absence laisse dans ton texte. Cette liberté
définitive pour le lecteur, et jusqu'à la liberté
de ne rien devoir imaginer.
Laisser le
texte à son ouverture. Et pour le coup, ce mot ne serait pas
pris comme une image. Un texte ouvert, comme on peut dire d'une porte
qu'elle est ouverte, parce qu'elle laisse passer qui veut bien y passer.
Un texte physiquement ouvert, et qui réussirait ce après
quoi souvent nous courons, sans jamais y parvenir : produire des textes
qui soient sens et forme en parfait accord.
De fait, l'absence
de ce mot n'est pas mystère, ni devinette. Elle est libération
par le vide. Questionnement de soi par la rupture, la faille.
Ton texte
nous regarde le lire, grâce à ces ouvertures que tu as
ménagées. Je ne sais si je t'aperçois à
travers elles. Peu importe. Pour une fois que je crois avoir trouvé
la réponse à une devinette, je ne vais pas aller te la
demander. Elle est à moi.
Je la garde.
Xavier Malbreil |