Bonjour Xavier,

aujourd'hui, la brume avait commencé léger, léger, quelques bandes longues, molles, assoupies le long de la coline, que j'ai pu découvrir en revenant de mon achat matinal du journal Libération, puis elle s'est réunie en une seule grande bouillie, entourant tout, et que, levant la tête de mon travail quotidien, j'ai surpris dans son oeuvre, c'est une façon de parler, de collage, parce qu'elle collerait ensemble tout ce qui est disjoint, mais également de confusion, parce qu'elle fondrait tout et rendrait peu commode le travail du regard, et celui également de la classification, de même que la mémoire, finalement, dont nous nous sommes déjà entretenus, qui parlerait tantôt par une langue argentée, caressant les reliefs, entourant et soulignant les objets et les êtres, et qui un jour, sans que l'on s'en rende bien compte, déciderait que non, toutes ces séparations n'étaient qu'artificiel travail de l'intellect, et que le pré du voisin n'est en rien différent de son mitoyen, les corps sont faits pour se perdre dans le sol, les arbres ne sont que des hachures malhabiles, qui voudraient donner de l'élan au ciel, quand ils ne font que retenir le sol, et les bâtisses, à la tâche de tous les jours, seraient elles déjà effondrées, consolées par cette suspension de l'eau, patch de couleur brune sur fond vert de l'herbe, et marron des fûtaies, et si encore nous voulions rester dans un domaine que nous avons déjà abordé, celui des mémoires informatiques, qui laisseront un jour le non-souvenir d'une époque disparue dans la vitesse, comme un bolide finit par échapper au regard, parce que tout sera effacé d'elles, ce paysage, de mental devenant numérique, dernier inventaire avant la grande solde, dernier état avant le désastre, serait aussi celui d'une purée de chiffres dans le coffre-fort de nos disques durs, coffre-faible de nos CD mous, la grande confusion viendrait alors, comme ces molécules d'eau en suspension ne laissent plus rien ignorer de l'indétermination qui nous guette, les chiffres feraient déjà le guet, tapis dans nos ordinateurs, de cette mer étale, sans âge, sans y revenir, où bientôt ils nous aspireront sur leur surface blanche laiteuse, cette brume qui n'a plus de nom, sinon celui de l'au revoir.

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