Bruxelles, 24 décembre 2000.

Bleu-rose des matins gelés.

Héhé Maria Dolores,

C'est fait! Je te vois à travers ce sourire que j'adresse à l'écran, aux souvenirs de ta présence à nouveau ici, pour le moment d'après ne plus voir que des mots.
Basculement dense d'un rire d'enfant qui sourit de se tirer une balle dans le crane avec son revolver de plastique. Entre la tempe et le jouet, glisse une incertitude. Une confusion, comme par le passé, née de ces incessants voyages. Ces départs où j'oubliais chez toi, avec toi, un objet indispensable, tel un briquet ou une autre babiole qui me conduisait à la faim que j'ai de t'entendre. L'accent incline la voix vers la musique, ce sont des inclinaisons d'étoiles filantes. Par le bras, les mains, nous nous accrochions à l'univers, intimement.
Je te poussais à chanter cette chanson qui commence comme ceci: Guarija, el son te llama, a bailar, a gozar... Je te le propose, aujourd'hui. Le chant la danse le rire les voeux irréalisables qui accompagnent les regards vers les étoiles filantes ou pas. Les paroles utopiques, ces dûs légitimes parce que prononcés en silence comme au fond du puit tombe une pièce. Les mots restent à reposer au fond de la gorge. Mais comme la chanson qui nous conte l'histoire d'un homme entraîné vers les drogues épongées imbibées d'alcool, les étoiles nous conduisent à même la terre. Dans ces villes où la solitude se décline en un visage inconnu au multiple teint lunaire.
Heureusement, tu acceptais ma proposition; enfin celle d'un chant! Tu habitais cette chanson changeant de sexe; te chantant homme, je te découvrais frère-ami. Le cercle le plus proche de ma chute dans cette eau de vie, c'est toi! Verres à verres, nous tombions goutte à goutte du robinet qui fuit.
Les soirées de nos mémoires, je les ai touchées du bout du doigt en revoyant en film "Bena Vista Social Club"; j'ai fermé un oeil pour jeter la distance et l'espace par la fenêtre de l'écran de cinéma. C'était à l'Actors studio ! Vois-tu ce lieux ? Parfois la mémoire forme une cathédrale vide à la gloire d'un dieu absent ? Dans nos conversations, j'ajoutais: "comme le corps des certaines femmes". Voilà, je rompt le sourire que je te faisais. Je rechigne sur les réminiscences, elles forment un passé au contour d’objet perdu; bien que tous ces instants nous les perdions en les vivant. Certains de ne rien vouloir posséder. Sans crainte de perdre le désir ricoché vers ailleurs; là, tu vois ? La terre se retire des déserts. Poursuivions-nous l'infini départ ? Etait-ce une "errance érotique" ? Souris ! Voilà que je larme. Non ! Il pleut. Je cherche dans le ciel le masque de ma pudeur, celui que nous trouvions parfois sous la main qui caresse, porte le verre à la bouche, vide un désir.
Une bouche sur deux, toujours entr'ouverte à l'autre, à ces nourritures termiques dites, bues par alcool comme par prétexte, fumées par dérision du réel, à reconstruire sans cesse. "A chaque instant", disais-tu. Affamés sans fin par l'objet de nos rencontres, je te vois. Bouche à bouche comme un face à face distancée par l'amitié; par la crainte que nos corps s'accordent ? Qu'importe puisqu'ici, ils ne sont pas! Reste l'amitié que croyions posséder. Quelle fuite nous à priver de son écoulement paisible ? Vers quel lit de silence a-t-elle été déviée ? Pressée par la pente ? Invoquerons-nous le temps, cette donnée rationellement élastique, que nous avons étendu entre nous comme l'espace d'un lac Majeur, Léman, létal ? je ne dirai rien. J'écrirai que je t'ai vu, à nouveau, nouvelle, vois-tu ? De si près que nous ne nous sommes jamais vu, à l'instant réinventé "à chaque instant", disais-tu.

Amitiés,Xavier

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