Bruxelles, le 05 janvier 2001.

Bonjour,

Sauves les objets ! Sauves la face ! Sauf toi ! Tu ne regardes pas ailleurs que là, l’espace où tu passeras ! Mais l’absence, face à ce là, présente, pile et pli. Regarde-la !
La rondeur de son goulot, le pas de visse qui nous sépare de ce plein syphonné, nous ébrèche en vide respectif. Le verre vide, vite vide, toujours vide.
L'alcool, l'absence nous l’a apporté, avant de poursuivre en nous laissant seul. Une solitude au goût de baisés à pleines bouches. D’une bouche à une autre.
Dans le métro, l’engueulade qui suit ma chute sur rien, à propos de rien, pour personne. C’est une fin. C’est une étoile d'un des ciels de notre désert englouti. Suintées par des vents solaires, nos paroles s’enlisent dans le sable de nos langues. Les maux dits nous assoiffent. Pourtant les paroles ne sèchent rien, ni les yeux, ni le verre au coin du comptoir, ni les lèvres. Et puis trop saouls, nous deux, tendant le cou pour qu’aucune lèvre ne s’ouvre. Alors sans désir, soumis au crépitement sec de nul feu.
Les lèvres, incessament sèches, cherchent à s'allumer à la chaleur d'une voix, des sauts sur les rires commes des braises hors du feux danssants sans musique. Le verre jeté, cassé, oublié coupe la nuit comme la lune ce ciel noire. Au réveil, l’absence. Une, derrière une autre, la boule derrière le scarabée; par-devant tirant l’une et l’autre. Nos abscences nourrient de cet étrange espace d'où nous revenions en nous demandant : "où suis-je ?", rient de nous voir assis autour de cette table, ensemble, au petit déjeuner. Nous, nous ne rions pas.
Comme les vents couchés par la lune, nous sommes vides de cette forte chaleur, calme, appaisante… Boire. Ouvrir une autre voie à la perte, laisser sous le masque le corps balancer. Frémir. Je frissone en posant mes lèvres sur ton visage assourdi de rondes musiques.
L’espace prend entre nous un vide. Une rue où marchent les corps et leurs trous, l’un trottoir de gauche, l’une trottoir de droite, entr’eux le film mirroir collé au verre de toute rue. Celles où s’alignent les maisons, rangs d’oignons de militaires, draps où sèchent les désirs lavés. Orifices avec ce qu’il faut de chaires privées de peaux pour évoquer le désir et le laisser mourir dans la haine de ce qu’il ne sera jamais.
Les larves creusent la peaux en tranchées. Là se livrent nos guerres. Donner au plaisir l’espace nécessaire à sa course, ivre de fuire l'appartenir. (Tu me dis : "que fais-tu ?"). De l’alcool, océan où nous noyons la nuance (et la musique crève si elle ne bondit pas, là !). ("Et j’ouvre", je te réponds), alors que la terre tourne sous nos pieds. Mais notre marche cède, là où l’océan commande à l’espace un autre temps, change de peau. Les murs nous abandonnent, des rouleaux tournent en tête, de derrière les dunes vient un lac, une flaque éphémère, l’hallucination d’une paix en plein désert.
Les rues ce matin couvertes de verres cassés, jetés. As-tu sauvés quelque chose ou quelqu'un lors de ta fuite ?
Amitiés, Xavier

Envoyez votre réponse - Xavier Malbreil