Le vide, le néant, l'infini! rien, surtout rien et absolument rien!

Un abyme à mes pieds dans lequel je dois et je vais sauter un jour à venir, déjà une crampe vrillée aux tripes. L'absence des mots veut la pérennité des maux. J'éprouve une douleur intense à puiser des vocables évocateurs aux fonts de mon infinie retenue. La bille d'encre, quelques fois sollicitée, a aussitôt cessé sa frénésie déambulatoire : je suis à nouveau analphabète. A chaque tentative réitérée, un tout coercitif règle le sort de ma production et tord le cou à mon espÉrance.

Comment n'ai-je écouté mes 16 ans ? Alors, l'aube aux sucs d'églantine m'éveillait aux " Nourritures Terrestres ", sûre qu'à mon heure, je dépouillerai mon coeur de mes mots pour les offrir à d'autres. Je devais attendre le grand moment, la période sereine, l'heure autorisée pour m'épancher. S'ensuivit une charge de chevaux fous retenus par les rênes de l'humilité ou de l'orgueil.

J'ai tout cru! sans doute étais-je trop malhabile pour oser user des mêmes outils que d'autres avaient diversement ennoblis : tout n'avait-il pas déjà été dit et fort bien ? !Á coup sûr, les blessures assassines de l'enfance avaient exacerbé un goût pour la littérature ; elles ne manqueraient pas de délirer en autobiographie. Trop pathétique et trop usité ! Sans doute mon verbiage d'adolescente me desservirait à trahir en vertus des révoltes, préludes à de mûres convictions? non, il fallait d'abord vivre ma vie de femme et y chercher ma pépite de bonheur. La ruée valait que je taise les turbulences passées. Le silence indiciblement s'imposait encore dans la volonté de soustraction au souvenir... par les poètes maudits, j'apprenais que l'écriture ne jaillissait que par la souffrance ou l'absence, sur la ligne de fracture d'avec le monde tangible. Malheureusement pour elle, j'étais heureuse!

Enfin, vexée que mes échanges épistolaires avec des proches se conclussent en interprétations douteuses autant que boudeuses, j'admettais douloureusement que mes envolées lyriques engendrassent le mal là où j'avais conçu du plaisir et jugé livrer le bien, ou tout bonnement le vrai. En somme, j'avais et j'aurai inlassablement à me détacher du procès qui est l'aboutissement inéluctable de l'échange avec l'autre.

Depuis le début de mon histoire, dès l'âge où, avide de m'approprier les symboles scripturaux, j'imaginais écrire des livres à coup d'arabesques du doigt sur le papier peint des murs, les mots me manquent quand il me faut les coucher, au point que j'en " accouche " aussi. Pourtant, eux me parlent si bien, qui me glissent à l'oreille qu'il est temps dÉsormais que je les égrène.

Dites-moi, l'avez-vous subi ce taraudage du manque, cette recherche mythique du verbe qui donne saveur et parfum à l'image et accent à la gorge ? L'avez-vous croisée, cette Arlésienne du papier ?

Hommage aux instigateurs de ce projet Épistolaire !

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