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Bruxelles, le 25 janvier 2001.

Bonjour,
J'ai noté sur le coin de la page de l'agenda: "lever tôt". Je n'ai pas cette habitude. Noter sur la page de l'agenda, aussi je vous l'envoie.
Jeudi, 25/01/2001 - 06:30 am:

    • Prendre le tramway station Albert

    • Descendre gare du midi.

    • Prendre un train vers la gare centrale.

    • Remonter des quais en empruntant l'escalier menant vers la salle des "Pas-perdus". Seul accès (souligné 2*).

Large rampe des départs des arrivées alternées, les mains applaudissent. Parcours à comettre en tramway; ce que je vole aux voyageurs personne ne le voit. Vous le lisez.
Autant de visages, pour aucun regard, seules quelques diagonales tendent des lignes de fuites où sêchent nos attentes. Couverts par la route du travail les visages gelés cherchent sous les masques la chaleur qui nous manque, je ne vois pas la joie. Où est-elle cachée ? Toujours derrière la vitre là où le mur empêche tout horizon, sous-terre où il n'y a que cela à voir, nous et rien. Pourquoi préférer rien ?
Á la sortie du tramway, gare du Midi, l'alarme de fermeture des portes nous presse mieux qu'un flic dans le dos. La peur réside dans le fait de voir ces portes se refermer à un moment innoportun, celui où votre pied n'est pas encore sur le quai tandis que l'autre traîne dans le tramway. Fragile l'humain en suspenssion, cassable dans l'attente ?
Nous devons remonter vers la gare à travers un labyrinthe d'escaliers automatiques où se réflètent les jambes des passants pressés par l'anonymat de leur démarche. J'espère que vous ne stopperez pas dans les escaliers ? Ce n'est pas parce qu'ils avancent seuls que vous ne devez pas avancer, plus vite! Vous me suivez, je vais au guichet d'information où le DJ de la gare anime l'attente. Je lui demande de nous passer un morceau de Keith Jarett ainsi que le quai à partir duquel nous prendrons le train pour la gare du midi. Il fait preuve d'une grande disponibilité et d'une intelligente créativité en nous passant "je suis un homme pressé" de Noir Désir, tous n'apprécieront pas. Peu importe!
Nous prennons immédiatement le train en direction de cette gare Centrale où nous trouverons notre tremplin à saut vers le monde du travail et du partage social, l'assentiment anesthésié comme devant le journal télévizé. Nous empruntons un petit escalier d'accès au tremplin où sur une rangée une vingtaine de personnes montent ensemble en sautillant d'un pied sur l'autre, immense jeu de marelle où le ciel est à atteindre quoiqu'il en coûte.
Dès votre arrivée au pied de l'échelle de la réussite, vous percevez les plus petits vous soutenir, voir même vous porter; tandis que vous faites la même chose pour les plus grands; c'est en somme la métaphortement trompeuse grande chaîne humaine de la solidarité du travail. Vous ne percevez sa solidité, sa force que six à huit mètres après le sommet de l'escalier lorsque vous touchez le sol, non sans une certaine satisfaction bète.
Je sais que le sens de ce courrier vous semble nébulleux mais c'est pour cette raison que je n'ai pu être présent à notre rendez-vous ce jeudi 26 janvier 2001 à 07:00 am précise, au sommet des escaliers, de la salle des "pas-perdus" de la gare de Bruxelles, Belgique, où nous ne nous sommes jamais vus.

Cordialement, Xavier

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